LES DERNIERS POSSIBLES
Adaptation d’une nouvelle de Chloé Chevalier parue aux éditions LA VOLTE (in Sauve qui peut – demain la santé, 2020), Les derniers possibles nous raconte l’histoire d’une femme qui, de ses 27 ans à sa mort, dédie sa vie à la transmission d’un savoir médical patiemment accumulé hors des circuits universitaires.
Dans un monde où le système de santé publique a périclité faute de moyens, Katia se découvre un kyste sous le sein gauche. Les soins que pourraient lui prodiguer les cliniques privées étant hors de prix, elle passe la porte du Collège de Médecine Autonome. Son existence prend alors un tour radical : elle passera sa vie sur les routes de France à prodiguer soins et savoir à celles et ceux que les vestiges du système médical a exclu.es.
Pièce pour 3 actrices et un chœur mettant en scène une société où le savoir n’est plus cloisonné, où ce qui est nécessaire à la survie de tout un chacun est partagé, troqué et échangé, Les derniers possibles est aussi, en creux, l’histoire de l’érosion d’une civilisation capitaliste à bout de souffle. Loin des caricatures « effondristes » ou d’un « retour à l’âge de pierre », on y voit fleurir communautés, éducation populaire et solutions collectives.
***
Représenter ce qui nous paraît aujourd’hui utopique est nécessaire pour que nos esprits puissent s’y projeter. Nous nous devons de développer un imaginaire alternatif au chacun pour soi, à l’indifférence, au combat et au survivalisme. Pour sortir de la fascination morbide d’une chute brutale du capitalisme, il nous faut porter sur scène nos espoirs de jours meilleurs et imaginer ce que peut être « le monde d’après ». C’est ce que propose PERMA avec Les derniers possibles.
Le fond comme la forme de cet objet se veulent vecteurs d’imagination d’un futur désirable ; un futur où l’entre-aide prévaut sur les querelles de chapelles et la transmission des savoirs sur leur concentration. C’est pourquoi nous avons intégré à son écriture même la nécessité d’ateliers de chœur pour un groupe d’amateurices sans lequel Les derniers possibles ne peut être représenté. Ainsi, le principe d’éducation populaire décrit dans la pièce devient partie intégrante du processus de création.
Grâce à un temps de répétition et d’implantation long dans les territoires où les représentations auront lieu, nous mettons nos savoirs faire à disposition du public tout en nous enrichissant du sien, et lui permettons, en participant à ces ateliers, de vivre une expérience transformatrice. Car le chœur, comme le masque, n’accepte ni que les performeur.euse.s se cachent derrière lui ni qu’ils cherchent à se mettre personnellement en valeur. Le lien aux partenaires et aux spectateurices ainsi que la transmission du texte deviennent nécessairement collectives.
Ainsi, intégré.es dans le processus de création, participant.es aux ateliers et équipes accueillantes transcendent leur rôle pour prendre part et apporter aux représentations leurs propres imaginaires. Et invitant ainsi l’équipe artistique à leur laisser la main sur cette partie de la création par leurs envies, leurs visions et leurs capacités.
***
LE CHŒUR
Le Chœur est donc fabriqué à partir d’ateliers donnés à un public déterminé par la structure accueillante.
Le but d’une telle action est d’amener les participant·es à comprendre physiquement et profondément la nécessité de leur relation au groupe avec qui ils et elles partagent le plateau. Avec le chœur, le lien aux partenaires et aux spectateurices ainsi que la transmission du texte deviennent nécessairement collectives et ses membres bénéficient de la puissance que confère un discours scandé à l’unisson.
Enfin, jouant le rôle de narrateur, de mise en contexte et d’explication des ellipses, le chœur est essentiel à la représentation de la pièce. Elle y gagne alors en épaisseur en incluant les êtres vivant dans le territoire où elle s’implante.
DÉROULÉ
Sur une période dont la durée est à déterminer avec l’équipe accueillante (selon le nombre de participant.es et les possibilités de chacun.e, cela peut aller de 20 à 40h), les membres du chœur seront dirigé.es selon les trois axes décrits ci-dessous. L’équipe artistique, quant à elle, s’engage à intégrer à sa mise-en-scène les changements inhérents aux capacités et goûts de ces participant.es.
Voix
- Unisson : la base du chœur étant une parole exprimée à l’unisson, chaque membre doit avoir la même prosodie et le même volume sonore. Cela veut dire que diction et articulation doivent se faire au même rythme et que les respirations doivent donc elles aussi être prises aux mêmes endroits et avoir la même durée.
L’objectif est d’amener les participant·es à ressentir la pulsation du texte et à se mettre totalement à son service. Pour qu’une prosodie commune se dégage et soit respectée, ielles devront s’effacer devant les contraintes de sens et de son inhérentes au texte.
Le point fort de cette pratique est qu’elle ne nécessite pas de performance vocale puisque c’est le grand nombre de voix qui amène le volume nécessaire à la bonne réception du texte.
- Solo et backing : Dans le rap, le backing est le fait d’appuyer la fin d’un vers dans le couplet scandé par un.e partenaire pour lui donner plus de puissance. Dans le chœur, ce backing peut être utilisé pour appuyer une notion en fin ou milieu de phrase. Les participant.es en ayant l’envie peuvent donc prendre le lead sur un passage du texte qui est alors dit en solo. Le reste du chœur apporte avec ce backing un contrepoint en donnant les morceaux de texte que la personne leader ne donne pas.
L’objectif est ici d’enrichir la partition suivie par le chœur et de faire de la place à celles et ceux qu’une partie plus solo intéresse. Auprès d’un public jeune par exemple, l’intégration d’une scansion proche du rap ou du slam permet une plus grande implication grâce à l’utilisation d’un medium qu’il affectionne.
Le point fort est ici que chaque groupe pourra dessiner, avec un même texte, une représentation différente selon les lieux où nous nous implantons.
Espace
- en bloc : c’est la représentation classique du chœur, face public, où plusieurs lignes se succèdent, chacune un peu plus haute que celle de devant. Le corps y est généralement neutre, ces membres sont concentrés sur le texte et peuvent s’appuyer les uns sur les autres pour rester à l’unisson.
- ou dispersé : l’écoute nécessaire à la réalisation du chœur est ici plus complexe et demande une plus grande rigueur et de plus grandes qualités d’écoute.
Que ce soit par la contrainte de rester en place qui oblige à s’ancrer dans une situation géographique ou par la dispersion dans l’espace lors des scènes de figuration, les multiples possibilités de travail font du chœur un terrain de jeu parfait pour intégrer chaque groupe, selon ses goûts, à la mise-en-scène et la rendre spécifique au territoire où elle s’implante.
Corporalité
- libre : les membres du chœur ont la possibilité de se déplacer selon leur propre démarche.
- chorégraphiée : comme en danse, l’harmonie et l’unisson sont ici recherchés. L’attention des membres est donc tournée d’abord vers l’énergie du groupe et la partition précise à suivre.
Il est encore ici question de s’appuyer sur les capacités des membres à évoluer corporellement sur un plateau. La chorégraphie devenant un enjeu de la représentation chorale et ajoutant un niveau supplémentaire d’engagement dans sa réalisation, elle n’est toutefois pas nécessaire à la représentation.
On voit donc bien ce que le chœur, en tant que groupe homogène et non individualisé d’interprètes, peut apporter en terme de pédagogie, de transmission et d’épanouissement : rigueur, écoute, attention et mise à disposition du groupe de son savoir-faire personnel. Et les travailler en trois modules différents – voix, corps et espace – permet de développer ces facultés en douceur, avec une feuille de route claire sur laquelle s’appuyer.
Enfin, ces trois aspects pouvant être utilisés avec de multiples nuances et d’infinies combinaisons, chaque groupe pourra s’approprier la représentation par ses choix et ses capacités propres. Faisant ainsi de chaque spectacle une œuvre unique et exceptionnelle.